Voilà, hier à dix heures la nouvelle a été officialisée : c’est le breakdance qui a été choisi pour être proposé comme sport additionnel pour Paris 2024. Je ne peux que me réjouir pour eux et féliciter la fédération de breakdance de l’avoir emporté. Je suis déçu, soyons honnêtes. Mais que dire des autres fédérations éconduites en plus de la nôtre ? Comment réagirais-je si j’étais à la tête de la fédération de karaté, de squash ou de pétanque ? Je ne peux pas l’imaginer.
On peut s’interroger sur la forme de cette annonce du COJO*. J’ai été averti par un mail à 10h03 jeudi que le billard n’était pas retenu... J’ai bien conscience que chacun, passionné, pense que c’est son sport qui aurait dû être choisi et qu’à un moment donné tout choix génère des déceptions. Je le comprends. Mais comment aujourd’hui justifier la persistance de cette dichotomie entre sports olympiques ou non olympiques ? N’est-ce que les contraintes économiques qui doivent guider ce choix ? Pourquoi limiter le nombre d’athlètes à 10 500 plutôt qu’à 8000 ou 12000 ? Comment peut-on justifier de mettre dans l’une ou l’autre des catégories tel ou tel sport ? Quels sont les critères ? L’universalité de la pratique ? Le fait que ce sport soit pratiqué partout dans le monde ? Le nombre de licenciés ? La parité homme-femme ? La pyramide des âges ? Les bienfaits pour la santé ? La médiatisation ?
On voit bien si on met à côté de chacune des questions posées les sports qui nous viennent en tête que cet habillage ne tient pas. La véritable question n’est-elle pas celle de la définition d’un sport ? En dehors de l’histoire, des affinités qu’est-ce qui justifie le maintien de telle discipline plutôt que telle autre ? Qu’est-ce qui doit guider le choix des disciplines inscrites ?
Je crois sincèrement qu’il faut revoir cette problématique. Aucun sport n’est meilleur ou pire qu’un autre. J’en ai assez que le billard soit dans le mauvais wagon et je pense que d’autres fédérations ressentent ce même sentiment d’exclusion. Ne vaudrait-il pas mieux abolir cette barrière et partir sur d’autres critères ? Ne serait-il pas plus logique de donner à chaque sport et de manière plus équitable, plus « égale » les moyens de se développer ? On demande aujourd’hui aux « petites fédérations » de faire tout comme les grandes. Ce n’est tout simplement pas possible. Avoir un cadre technique à disposition n’est pas la même chose qu’en avoir 3 ou plus. L’efficacité du travail fait par les bénévoles que nous sommes ne peut être comparée au rendement d’un salarié ! On le voit le chantier à traiter est vaste.
Pour en revenir à Billard 2024 et à notre candidature, certains ne manqueront pas de dire que c’était couru d’avance, que nous n’aurions pas dû nous y prendre comme nous l’avons fait, que nous avons l’air malin maintenant. Je dirai au contraire que malgré le résultat, cette candidature est la meilleure chose qui soit arrivée au billard depuis 30 ans, l’arrivée des billards à poches dans l’hexagone et l’intérêt suscité à l’époque grâce à des diffusions télévisées sur des chaînes payantes. En effet le bilan est plus que positif. Nous avons réussi malgré nos vieilles habitudes à unir les différentes branches du billard sous la même bannière : les fédérations internationales, les joueurs, les industriels ont tous participé. Le retentissement médiatique est sans précédent : jamais les médias n’ont autant parlé du billard, jamais les gens n’ont montré autant de curiosité vis-à-vis de notre sport. L’arrivée de Décathlon dans le billard nous donne à penser que cet engouement ne va pas cesser de sitôt.
Nous ne devons pas renoncer et penser que cette non-sélection sonne le glas de tous nos espoirs. Au contraire ! Nous avons réussi à créer un groupe de travail international Billard 2024 qui a su montrer qu’il était possible de travailler ensemble et d’être ambitieux. Je veux ici les remercier. Fort de cette expérience nous devons prendre au mot le COJO et utiliser la plateforme des JO pour « surfer » sur la vague suscitée par cette candidature. Le WTT* des 11 et 12 mars est bien entendu maintenu et il faudra organiser d’autres événements de cette nature. Rien n’empêche d’imaginer s’inspirer de ce qui va être fait en ouvrant le marathon olympique à tous. Pourquoi ne pas mettre des billards dans un lieu emblématique en 2024 et organiser une manifestation populaire à laquelle chacun pourrait s’inscrire et participer sans distinction d’âge ou de sexe ?
Nous avons, grâce à cet acte de candidature, posé les jalons de ce qu’il faut mettre en œuvre dans les années à venir. La direction à suivre apparait clairement. A nous de faire en sorte que cet investissement porte ses fruits ! Le billard est bien un sport, c’est un sport pour tous et qui plus est, le sport de demain !
Jean-Paul Sinanian
Président de la Fédération française de billard
Le 22 février 2019
COJO : Comité d'organisation des Jeux Olympiques
WTT : World Team Trophy